Stratégie numérique : Jean-Luc Mélenchon domine YouTube
En 2014, Jean-Luc Mélenchon quitte la présidence du Parti de gauche pour faire cavalier seul. Le candidat de La France insoumise compte bien continuer la bataille de manière indépendante. Pour cela, il développe une nouvelle stratégie numérique basée sur l’utilisation des réseaux sociaux et autres plateformes, comme YouTube. Dès la fin de l’été 2016, Jean-Luc Mélenchon concentre sa stratégie de communication sur le très populaire site d’hébergement de vidéos. Il publie régulièrement des vidéos qui dénotent des médias traditionnels, pour mieux s’approprier les codes des youtubeurs rois. Au-delà d’apporter une visibilité au candidat, la plateforme constitue un véritable vivier de voix potentielles. En effet, selon le rapport Globalweb, 82 % des internautes entre 16 et 64 ans consultent YouTube chaque mois, et l’homme de gauche compte plus de 134 000 abonnés.
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Parmi ses vidéos, on trouve des formats longs qui reprennent souvent des interviews télévisées, ainsi que des formats courts, destinés, eux, à réfuter des « bobards médiatiques », selon ses propres termes. Mais là où Jean-Luc Mélenchon fait preuve d’une réelle innovation, c’est dans l’instauration de « vidéos rendez-vous », sur le modèle des youtubeurs. De ce genre, on compte, par exemple, la série « Pas vu à la télé ». On le sait, Jean-Luc Mélenchon ne porte pas les médias dans son cœur. Dans cette rubrique, il revisite l’actualité en sélectionnant des sujets non traités sur les plateaux de télévision et dans les journaux, et se place dans le rôle de l’interviewer. Sa vidéo la plus récente met en scène l’interview de Christophe Robert, porte-parole de la Fondation Abbé-Pierre, sur la question de la pauvreté. Publiée le 17 décembre, la vidéo a déjà été vue plus de 34 000 fois. Dans le même esprit, Jean-Luc Mélenchon propose aux internautes les « Revues de la semaine », de courtes vidéos d’une vingtaine de minutes dans lesquelles il livre une analyse concernant plusieurs thèmes d’actualité. Plus gros succès encore pour cette série, puisque la dernière vidéo, datée du 15 décembre, a été vue près de 160 000 fois. La popularité du candidat de La France insoumise est indéniable.
Pourquoi ça marche ?
Sa stratégie de communication numérique est extrêmement efficace et a, en plus, un effet de spirale : plus d’abonnements poussent à plus d’abonnements. Comme le souligne le vidéaste MisterJDay, l’homme politique a gagné plus de 40 500 abonnés entre le mois de septembre et le mois de novembre 2016. Mais pourquoi ces vidéos rencontrent-elles un tel succès ? D’abord, Jean-Luc Mélenchon a parfaitement assimilé les codes adoptés par les youtubeurs. Dans ses vidéos, on trouve des miniatures, il remercie les internautes à chaque palier de « likes » atteint, il demande aux personnes visionnant la vidéo de s’abonner, il prend en compte les commentaires postés sous les vidéos et le fait savoir… Ensuite, en tant que précurseur en matière de communication politique sur YouTube, il bénéficie d’un monopole : aucun concurrent sérieux pour lui faire de l’ombre. La chaîne de campagne de Marine Le Pen regroupe quelque 4 000 abonnés, tandis que celle de François Fillon en compte moins de 3 000 et que Manuel Valls ne dispose pas d’une chaîne active. En ajoutant à cela l’éloquence et le charisme de Jean-Luc Mélenchon, on obtient un cocktail explosif ou tout passe par l’image, une recette qui trouve son public.
Mais si Jean-Luc Mélenchon se montre si habile pour sa campagne numérique, c’est aussi parce qu’il est bien entouré. L’équipe de campagne du candidat se compose de personnalités jeunes et armées en matière de communication numérique. Manuel Bompard, directeur de la campagne, est accompagné par Sophia Chikirou, 37 ans, directrice de communication de la campagne. Pendant la campagne présidentielle américaine, elle a rejoint le camp de Bernie Sanders, le candidat américain connu pour sa communication numérique de grande ampleur. De là, elle a pu observer ces mécanismes de communications pour mieux s’en inspirer. Bastien Lachaud, 35 ans, responsable des actions au sein de la campagne, confie dans un entretien à Numerama que l’équipe de campagne jouit « d’une “gauchosphère” assez puissante qui s’adapte aux nouvelles technologies », ce qui permet « d’accéder à des personnes à qui nous n’avons plus accès de manière traditionnelle ». Une équipe jeune et fidèle, qui permet donc aussi au candidat de draguer un nouvel électorat en s’imposant sur les réseaux sociaux, dont YouTube ne représente qu’une partie.
Jean-Luc Mélenchon est aussi présent sur les différents réseaux sociaux investis par les internautes. Et si l’on compare son nombre d’abonnés à celui des candidats à la primaire de la gauche, on le trouve satellisé à la première place, loin devant ses concurrents. Sur Facebook, le tribun comptabilise près de 600 000 likes, soit cinq fois plus que Manuel Valls. Idem sur Twitter, près d’un million d’internautes sont abonnés à son compte, quand Manuel Valls en compte moins de 600 000. Jean-Luc Mélenchon est aussi actif sur Instagram, où il publie régulièrement des photomontages de ses déplacements, suivis par quelque 6 000 abonnés. Le candidat de La France insoumise est présent sur tous les fronts numériques… mais pas seulement. S’il ne revendique pas son amour pour les médias traditionnels, force est de constater qu’il les affectionne tout de même puisqu’il est régulièrement présent sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio. Son dernier passage radio remonte d’ailleurs au 11 décembre, dans les studios de France Inter. Une preuve que pour le roi de YouTube, tous les moyens d’expression sont bons à prendre.