Les opposants à la loi Travail ont manifesté ce jeudi pour la quatorzième fois dans toute la France. Si ce nouveau rassemblement a eu des airs de baroud d’honneur, les syndicats espèrent encore obtenir une abrogation en justice.
Ne leur parlez plus de retrait. Les milliers d’opposants à la loi Travail réunis ce jeudi à Paris réclament désormais l’abrogation du texte. Le glissement sémantique est loin d’être anodin. Il illustre l’échec des syndicats à gagner la bataille de la rue. Les 13 manifestations des derniers mois ne leur ont jamais permis de peser face à un gouvernement déterminé au point d’engager sa responsabilité, à plusieurs reprises, par l’intermédiaire du 49.3. Certes, le texte a évolué. Mais certains des points les plus sensibles du texte, comme l’article 2, font partie intégrante de la version promulguée.
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Leur combat, jurent-ils, n’est toutefois pas terminé. Désormais, ils entendent se tourner vers la justice pour obtenir gain de cause. Pour quel résultat?
Le Conseil constitutionnel de nouveau saisi?
Malgré l’examen du texte par le Conseil constitutionnel, saisi en juillet dernier par des parlementaires, les syndicats sont parfaitement en mesure de se tourner de nouveau vers les Sages. Pour cela, ils devront tout de même attendre que l’ensemble des décrets d’application de la loi soient publiés au Journal officiel. Ce qui pourrait prendre plusieurs mois, puisque le ministère du Travail nous indique qu’à la fin de l’année, seuls 80% des décrets seront publiés.
Les revendications des syndicats devraient notamment porter sur l’article 2 de la loi, qui acte la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche, dans des domaines tels que le temps de travail, de repos ou encore les congés payés. Les syndicats dénoncent depuis des mois une « inversion de la hiérarchie des normes », susceptible de créer selon eux une rupture d’égalité des salariés devant la loi. Dans les faits, ils s’indignent du fait que deux salariés d’une même branche ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail d’une entreprise à une autre.
Un article « inattaquable »?
Reste à savoir si l’argument se tient. Au sein du cabinet de Myriam El Khomri, l’heure est à la sérénité. « Nous avons beaucoup travaillé sur ce texte, fait savoir un conseiller. Il a été examiné par le Conseil d’Etat qui n’a rien trouvé à redire. S’agissant du Conseil constitutionnel, je rappelle qu’il est habilité à s’autosaisir sur des points précis, ce qu’il n’a pas fait en juillet [Les Sages n’ont censuré que des points mineurs du texte, NDLR]. » Un avis partagé dans Le Monde par maître Thiébart, avocat au cabinet Jeantet, qui qualifie cet article « d’inattaquable ». Joint par L’Express, l’avocat nous renvoie vers une décision du Conseil constitutionnel du 29 avril 2004. Cette dernière portait sur la loi relative à la formation professionnelle et au dialogue social, qui permettait déjà à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, sauf si ce dernier l’excluait. Ironie du sort: François Hollande faisait partie des contestataires…
Les Sages avaient alors relevé que le principe de faveur au bénéfice de la branche ne « saurait être regardé comme un principe fondamental ». S’ils souhaitent obtenir gain de cause, les syndicats en sont donc réduits à espérer un revirement de jurisprudence.
Un salut venu de Genève?
Si cette première option venait à tomber à l’eau, les syndicats auraient un autre plan en tête: en appeler à l’intervention de l’Organisation internationale du travail. Cette hypothèse a l’avantage de ne pas reposer sur le fond de la loi. Or, pour les opposants au texte, le gouvernement n’a tout simplement pas suivi la procédure régulière pour réformer le code du travail. Ces affirmations reposent sur la convention de 1998, qui contraint l’exécutif à saisir les partenaires sociaux en amont de la réforme pour les consulter, voire lancer une négociation collective. Cette obligation est également inscrite en droit français, dans l’article L1 du code du Travail.
Le gouvernement, là encore, jure ne pas avoir enfreint les règles. « Toutes les consultations qui devaient être mises en oeuvre l’ont été, poursuit notre interlocuteur au ministère du Travail. Je ne vais pas me prononcer à la place de l’OIT. On essaie de nous accuser d’une forme d’impréparation, alors que ce n’est pas le cas. Il faut savoir que les échanges précédant une telle loi restent assez informels. »
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La loi impose tout de même un certain formalisme dans le cadre de cette consultation: « Le gouvernement leur [aux syndicats, NDLR] communique un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. » Seul un cas d’urgence peut lui permettre de ne pas respecter l’obligation de consultation. Mais même dans ce cas, les syndicats doivent obtenir la motivation de cette « urgence » dans un document écrit. Le cabinet de Myriam El Khomri n’a pas souhaité détailler précisément la nature des échanges ayant précédé l’annonce de la loi Travail. Egalement contacté, l’OIT restait injoignable au moment de la publication de cet article.