Gel et grêle, sale temps sur la Bourgogne
Des vignes recouvertes de grêlons comme par un tapis de neige, des bourgeons noircis par le gel, la deuxième quinzaine du mois d’avril a réservé de bien mauvaises surprises aux producteurs bourguignons et, au final, aucun vignoble n’a échappé aux intempéries. Tout a commencé le 13 avril dans le sud du Mâconnais (AOC Pouilly-Fuissé, Loché et Vinzelles, Saint-Véran), entre 15 h 30 et 16 heures avec un orage de grêle « historique » par la période à laquelle il intervient, par sa durée, quinze à vingt minutes, son intensité, les témoins parlent de grêlons d’un à deux centimètres de diamètre, et par son étendue. Souvent, en Bourgogne, les orages de grêle d’été suivent un couloir relativement étroit de quelques centaines de mètres de largeur. Rien de tel le 13 avril dernier et on peut même estimer que près de 2 500 hectares de vignes ont été plus ou moins touchés : la totalité des crus du sud du Mâconnais, mais aussi, à un moindre degré, les crus Juliénas et Saint-Amour au nord du Beaujolais. Arrivé du sud-ouest, l’orage a d’abord frappé les gamays de Juliénas et Saint-Amour, où les dégâts semblent limités, avant d’aborder les chardonnays du Mâconnais sur les communes de Chasselas, Leynes (AOC Saint-Véran) et Solutré-Pouilly (Pouilly-Fuissé). Dans ces villages situés en première ligne, les premières estimations font état de 80 à 100 % de bourgeons et de petites feuilles arrachés ou tailladés. Si les pertes sont moins importantes ailleurs, aucun secteur n’a été épargné.
Le gel a pris le relais quelques jours plus tard avec un pic dans la nuit du 26 au 27 avril, là aussi sur une très vaste zone qui couvre en fait le reste de la Bourgogne, de Chablis (89) au nord à la côte chalonnaise (71) au sud, en passant par la Côte-d’Or (21) ; le Mâconnais a cette fois été épargné comme d’ailleurs le Beaujolais aux températures plus chaudes. Partout, les températures sont descendues entre – 1 et – 3 degrés en moyenne, ce qui n’a rien d’extrême, d’exceptionnel, à cette période de l’année. Seulement voilà, couplés à une forte humidité ambiante (il a plu et parfois même neigé la veille), à un stade (une à trois feuilles étalées) où la vigne est fragile, aux niveaux d’avancement dans les travaux de la vigne, à la quasi-absence de vent et à un fort rayonnement au lever du jour, ces – 1 à – 3 degrés ont fait des ravages, à tel point que certains techniciens et vignerons parlent du pire gel depuis 1991.
Chablis est en partie seulement (moins de 1 000 hectares sur les 5 500 du vignoble) protégé du gel par différents systèmes (chaufferettes, aspersion d’eau…), en premiers crus et grands crus essentiellement et l’on peut penser que ces zones n’ont pas été trop fortement affectées ; ailleurs à Chablis et dans l’Yonne, c’est une autre histoire. Les autres vignobles de Bourgogne ne bénéficient pas de ce type d’équipement et c’est là, en côtes de Nuits et de Beaune, mais aussi en côte chalonnaise, que les dégâts pourraient être les plus importants, avec néanmoins des variations très importantes selon les coteaux, les parcelles, etc. Ce 27 avril au matin, la Bourgogne a dû affronter un gel de type hivernal, qui prend l’ensemble du coteau de haut en bas (à l’inverse des gelées printanières par rayonnement qui touchent surtout les bas) et il semblerait, conditionnel de rigueur, que les bas et les hauts de coteaux aient un peu partout été les plus touchés, alors que les dégâts sont plus variables dans les milieux de coteau.
Est-il pour autant déjà possible d’évaluer la perte globale pour la future récolte ? Non ! Pour tous les vignerons et techniciens contactés, des bourgeons secondaires vont sans doute se développer dans les prochaines semaines, compensant en partie la perte. Le passage de la floraison aura aussi une grande importance. Il est donc trop tôt pour faire le bilan, mais sans trop de risques de se tromper, on peut déjà annoncer que les caves ne seront pas pleines des vins du millésime 2016. Dans un contexte de grande tension sur les cours des vins, ce n’est une bonne nouvelle pour personne.
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