Les cinq leçons du Davos du luxe
Le top 100 des acteurs du luxe vient de se réunir place Vendôme, à Paris. Un lieu symbole du luxe, justement, à l’échelle de la planète. L’objet de cette rencontre au sommet, de ce véritable Davos du luxe : débattre du « luxe d’expérience ». Un vaste sujet, probablement trop vaste, qui aura rassemblé le temps d’un colloque CEO, stratèges en tout genre, consultants et même un philosophe qui, d’emblée, a ouvert les débats avec une seule question : le luxe est-il immoral ? Ambiance garantie ! Pourtant, au terme de quelques heures de débats, quelques leçons de luxe ont émergé. Inventaire…
Leçon 1 : le mass market tu fuiras
Premier postulat : le luxe doit s’écarter de la grande consommation. À la première la sensation, au luxe l’émotion. Autre différence, le mass market se concentre sur la vente, alors que le luxe se distingue par un soin du client avant, pendant et après la transaction. Pourtant, la frontière se brouille lorsqu’on parle service après-vente. À ce jeu, le luxe lorgne quand même férocement la grande consommation. « Le modèle, c’est Amazon, et c’est lui qui nous défie aujourd’hui », confie un orateur. Le monde du luxe, pour survivre, devra donc soit le copier soit… inventer mieux. Et en la matière, la route est encore longue.
Leçon 2 : le jeune tu courtiseras
Deuxième choc culturel de la journée : comment faire venir les jeunes générations au luxe ? Elles aiment l’immédiat, les sensations fortes, cèdent à l’achat compulsif, vivent et rêvent 100 % digital. Le luxe, lui, joue sur le temps long, l’émotion durable, la rareté et le contact physique. Mondes incompatibles ? En tout cas, à date, le luxe cherche encore la passerelle.
Leçon 3 : du produit tu ne parleras pas (en premier)
Les statistiques sont venues perturber les plans : dans l’industrie du luxe, un achat sur deux est associé à une expérience (voyage, gastronomie, etc.), et non à un produit (une montre, un bijou). Voilà qui vient passablement contrarier les boutiques les plus onéreuses, ces fameux « flagship » à plusieurs millions. Pourquoi cette opposition expérience-produit ? Parce que, comme le note un participant, « le client passe de plus en plus d’une culture de l’avoir à une culture de l’être ». D’où, incidemment, la progression du storytelling et du marketing horloger : on délivre un message, une émotion, et non plus une simple montre. La contradiction est latente : l’industrie fabrique des objets de plus en plus forts…, mais préfère parler davantage de ce qu’ils représentent que de ce qu’ils sont !
Leçon 4 : de l’amour tu donneras
La générosité, voilà un thème qui s’est curieusement invité aux débats. Pourquoi ? « Parce que le luxe est le seul domaine où l’on peut donner et espérer davantage en retour », sourit un expert. Voilà une bien curieuse conception marketo-humaniste du retour sur investissement. C’est pourtant la voie ouverte par Poiray, axée sur la générosité : ambassadeurs, mécénat, dons massifs. Mais la jeune maison indépendante est encore bien isolée dans cet exercice…
Leçon 5 : aux cultures tu t’adapteras
Le monde horloger se souvient de la campagne Baume & Mercier des Hamptons, où divers protagonistes foulaient pieds nus le sable fin d’une plage parsemée de maisons de bois. Un air de campagne, de mer, l’hédonisme, la légèreté, le retour aux sources… Sauf que la campagne vue d’Asie se lisait comme des pêcheurs sans domicile n’ayant pas les moyens de se chausser et obligés d’aller en mer pour se nourrir ! L’anecdote, délivrée par une représentante de Richemont, ne manque pas de piquant. Exit les Hamptons, retour sur la « célébration des moments », moins ambivalente. Le luxe, si ancré soit-il dans certains terroirs, suisses notamment, doit encore apprendre à arpenter notre petite planète sans faux pas…