Dans un entretien donné au Journal du dimanche, Marion Maréchal-Le Pen a déporté le conflit l’opposant à Florian Philippot sur la question de l’IVG à un débat sur la gouvernance du parti. Les charges sont violentes. La présidente du FNMarine Le Pen tente de calmer le jeu. Tout est parti de l’IVG. Marion Maréchal-Le Pen a remis lundi en cause son remboursement « intégral et illimité ». Après un recadrage immédiat de Marine Le Pen, Florian Philippot, son bras droit, a qualifié sur BFM TV la députée du Vaucluse de « seule et isolée » sur cette question, déclenchant en retour un mouvement de soutien de certains cadres locaux envers la benjamine de la famille Le Pen. « Les choses n’en resteront pas là », promettait un soutien de la députée. Chose faite dimanche, avec un entretien dans le JDD au ton courroucé.
Les propos de Florian Philippot ? « Une agression ». La ligne du FN ne se définit pas « tout seul sur BFM TV », attaque la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, qui retourne l’accusation de M. Philippot en disant qu’il a été lui-même « minoritaire » sur des positions récentes. Mais « Marion », comme tous l’appellent en interne, n’épargne pas non plus « Marine », et pour la première fois s’en prend à sa manière de diriger le FN : « Il n’y a pas eu de débat en interne » sur l’IVG. « Je découvre sa position », a assuré la députée, différente de celle de 2012 « défendue avec beaucoup de courage et de talent ».
Le débat sur l’avortement tranché ?
À l’époque, Marine Le Pen s’en prenait aux « avortements de confort » et prônait le déremboursement de l’avortement « en cas de besoins budgétaires ». En 2011, elle disait même sans ambiguïté qu’il fallait « cesser de rembourser l’avortement ». Dimanche, la candidate à la présidentielle a expliqué cela par des « concessions » accordées à l’époque aux partisans de son rival pour la présidence du FN en 2011, Bruno Gollnisch.
Alors que la nièce s’inquiète d’une « banalisation » de l’avortement, Marine Le Pen a appelé à éviter les « chicayas » sur ce sujet « lunaire », y compris pour les « patriotes », au moment où la France affronte une situation « grave ». « Lunaire », un mot qui fait écho à celui de Florian Philippot en avril, qui s’était fait reprocher d’avoir dit que l’abrogation du mariage gay, réclamée ouvertement par Mme Maréchal-Le Pen, intéressait aussi peu que « la culture du bonsaï ».
Élue présidente du FN en 2011, réélue à 100 % en 2014, Marine Le Pen juge le débat définitivement « tranché. Je n’ai pas de concession à faire, enfin, plus », a-t-elle tenté de clore, appelant aussi, dans une phrase semblant viser M. Philippot, à « avoir des propos bienveillants les uns à l’égard des autres ».
« Elle se met à découvert »
Mais il n’est pas sûr qu’elle éteigne ainsi l’incendie, au moment où sa nièce, tout en assurant de sa « loyauté », exprime pour la première fois aussi franchement ses désaccords et promet de « s’exprimer » prochainement. L’entourage de la députée décryptait récemment : « Marion ne se dit pas qu’elle va être présidente à 32 ans », c’est-à-dire en 2022. Mais elle s’agace du fonctionnement interne, car « chaque intervention télé de Philippot, c’est une nouvelle position » du FN qui ne serait pas débattue.
Pour un responsable local FN, « le cautionnement absolu que donne Marine Le Pen à Philippot commence à lui rejaillir dessus, elle se met à découvert ». Le chef d’orchestre de la stratégie électorale, qui cristallise l’hostilité de certains cadres frontistes, « n’a pas d’équivalent en termes d’impunité », abonde un conseiller régional, pour qui il y a « un ras-le-bol général » à son égard.
Pour un « mariniste », au contraire, la députée est en tort, même si « la phrase de Florian est peut-être maladroite… ». Marine Le Pen s’était elle-même inquiétée au printemps devant des proches que sa nièce « s’enferme dans une image de catholique conservatrice. » Mais pour un autre « mariniste », la personnalité de Marine Le Pen pose aussi problème à l’approche de la présidentielle : « Sa spécialité ? C’est de ne pas trancher. Elle n’est pas autoritaire. » Elle a pourtant, en août 2015, fait exclure un autre Le Pen : son père.