Comment faire décoller (enfin) la voiture électrique
Ségolène Royal avait sans doute raison. Présidente de la région Poitou-Charentes, elle avait tenté de lancer une filière de la voiture électrique, fondée sur la marque Mia, qui avait échoué. Comme argument principal, Ségolène Royal avait déploré le manque de bornes de recharge sur les routes françaises. Il y avait d’autres explications à son échec, mais une étude européenne pilotée par Simon Vinot, de l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles, apporte de l’eau au moulin de la ministre de l’Écologie : la multiplication des bornes de recharge (5 000 en France aujourd’hui) est la décision prioritaire pour favoriser l’essor des voitures électriques en Europe.
Cette étude, baptisée SCelecTRA, a étudié plusieurs scénarios pour évaluer la part de marché possible de la voiture électrique et hybride rechargeable en Europe dans 15 ans. Dans le scénario le plus optimiste, elle pourrait représenter en 2030 30 % du total des ventes (à parts égales entre électrique pur et hybride rechargeable). Dans un scénario moyen, plus vraisemblable, 20 % des voitures vendues en Europe pourraient fonctionner à l’électricité. Soit, tout de même, quelque 2,5 millions de véhicules, dont plus de 400 000 en France (on en est à 2 250 dans l’Hexagone au mois de septembre…) !
Effets psychologiques
La première des conditions, donc, c’est d’installer le maximum de bornes, sur les routes, dans les stations-service, etc. En plus de l’effet pratique (on peut enfin recharger partout sa batterie), cette décision a un effet psychologique : les automobilistes « voient » que l’électrique se diffuse, qu’on ne sera pas en rade sur la route si la batterie se vide. Une bonne façon de les inciter à se lancer et en faire en fin décoller le parc des voitures électriques qui, pour la France seulement, ne représente que 43 000 véhicules en circulation depuis….2005. .A la nuance près qu’un plein de réservoir thermique s’effectue en moins de cinq minutes alors que celui des batteries réclame d’une demi-heure à, le plus souvent, 8 ou 10 heures selon la technologie de recharge.
Deuxième condition : les pouvoirs publics doivent cumuler aide à l’achat et aide à la casse de façon à convaincre les possesseurs de véhicules thermiques obsolètes de les délaisser. L’étude montre en effet qu’on est plus sensible à une belle somme versée lors de l’achat qu’à une maigre somme économisée quand on fait son plein. Le levier des taxes (surtaxer l’essence, sous-taxer l’électricité) est donc moins efficace, révèle l’étude pilotée par l’IFP-EN.
Besoins en énergie
La question de la batterie n’est pas si importante qu’on peut le croire. La recherche progresse, les fabricants mettent au point des batteries de plus en plus performantes et économiques, mais la voiture électrique ne remplacera jamais sa cousine à essence. La grande majorité des déplacements, en France comme en Europe, est en moyenne limitée à 50 kilomètres quotidiens, une distance qu’une batterie électrique suffit à couvrir dans la mesure où on peut la recharger chaque soir.
Reste les usages minoritairee en temps passé mais jugés capitaux par les usagers. Il faudra ainsi combattre l’idée du choix automobile dimensionné pour un usage extrême. En gros, le cas d’un monospace circulant avec une personne à bord l’essentiel de l’année dans l’attente des vacances et la capacité à accepter jusqu’à 7 personnes avec leurs bagages, soit 4 ou 6 jours par an.
Enfin, dernier point important, l’étude européenne s’est penchée sur la question de la fourniture de l’énergie : l’essor de la voiture électrique ne va-t-il pas obliger à mettre en service d’autres modes de production – centrales à gaz, au charbon ? Bref, ne va-t-on pas polluer un peu plus en produisant parce qu’on veut polluer un peu moins en conduisant ? L’étude relativise ce problème : la demande supplémentaire d’énergie, celle nécessaire aux 20 % de véhicules électriques, serait inférieure à 5 % de la production actuelle. Toutefois, 5 %, cela obligerait sans doute à mettre en service quelques moyens de production en plus. Ségolène Royal avait aussi identifié ce besoin et voulait installer des éoliennes un peu partout en France…