Retraites complémentaires : des perdants, des épargnés, peu de gagnants
Le projet d’accord sur les retraites complémentaires trouvé vendredi entre le Medef et trois syndicats repose notamment sur un système de «bonus-malus», mis en place à partir de 2019, et incitant les salariés du privé à travailler plus longtemps.
Qui va y perdre ? Qui va y échapper ? Est-ce qu’il y aura des gagnants ? Les régimes Agirc-Arrco sont-ils sauvés désormais ?
Qui perd, qui gagne ?
Le grand perdant sera le salarié qui, bien qu’ayant atteint l’âge légal de la retraite (62 ans), avec toutes ses annuités (41,5 ans), verra sa retraite complémentaire amputée de 10% pendant au moins deux ans. Pour ne pas pâtir de ces malus et conserver un taux plein, il devra travailler un an de plus et ainsi partir à 63 ans.
Ce «coefficient de solidarité» est applicable pendant les trois premières années de retraite et «au maximum jusqu’à 67 ans». A l’inverse, ceux qui travaillent deux, trois ou quatre ans de plus, verront leur régime complémentaire bonifié respectivement de 10, 20 ou 30%, pendant un an. Pour Laurent Berger (CFDT), favorable à la réforme, «c’est une erreur de penser» qu’elle aboutirait à un report de l’âge de départ à la retraite à 63 ans. Seulement, «le salarié qui a cotisé tous ses semestres et part à la retraite à 62 ans paiera « une contribution » sur trois ans».
Principales victimes de la réforme, selon ses opposants : les chômeurs, mais aussi les femmes, qui doivent généralement travailler plus longtemps pour atteindre la durée de cotisation en raison de parcours moins linéaires. Et tous les salariés sont perdants sur d’autres mesures, mises en place avant 2019: la désindexation des pensions de – 1 point par rapport à l’inflation pendant trois ans, le décalage de la date de revalorisation des pensions au 1er novembre (au lieu d’avril) et l’augmentation du prix d’achat du point pendant trois ans pour les futurs retraités.
Combien coûtera le malus?
Cinquante euros par mois, soit 600 euros par an, «pendant au minimum deux ans», selon le calcul de la CFDT, qui prend l’exemple d’un salarié gagnant 1800 euros et dont la retraite tout régime confondu atteint 1300 euros (dont 500 euros de complémentaire).
La part de la retraite complémentaire représente en moyenne plus de 25% de la pension globale, selon des données de la Cour des comptes. Cette part dépasse toutefois 50% pour le régime spécifique aux cadres, l’Agirc.
Qui va y échapper ?
Les retraités modestes, exonérés de CSG (contribution sociale généralisée), ne seraient pas concernés par les décotes, soit 33% des salariés. Et les personnes vivant «dans des situations économiques difficiles» échapperont aux abattements, a ainsi développé le négociateur du Medef, Claude Tendil.
Qui va renflouer les caisses?
Sur les 6 milliards d’euros d’économies visés d’ici à 2020, le patronat dit contribuer à hauteur de 700 millions d’euros. Les opposants au texte, CGT et Force ouvrière, chiffre eux l’effort du patronat à respectivement 300 millions et 600 millions d’euros. Les économies sont supportées à «90% par les salariés et à 10% par les entreprises», a commenté Philippe Pihet (FO).
«Ce sont toujours les mêmes qui paient -les salariés, les privés d’emploi, les retraités-, et puis toujours les mêmes qui encaissent – le patronat et le Medef», a ajouté le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Les retraites complémentaires sont-elles sauvées?
Oui, à en croire les organisations favorables à l’accord. En 2014, les caisses de l’Agirc (cadres) et de l’Arrco (tous les salariés du privé) ont vu leurs déficits cumulés se creuser à plus de 3 milliards d’euros.
«A l’horizon 2024-2025, ces régimes seront équilibrés», a assuré Laurent Berger. L’accord permet «d’assurer l’avenir des retraites complémentaires de tous les salariés, par des mesures adaptées et justes», a déclaré le Premier ministre Manuel Valls.
AFP