La cagnotte «antigrève» de l’UIMM jugée en appel
La caisse noire du patronat est de retour au tribunal, rejugée en appel à partir de ce lundi. En première instance, Denis Gautier-Sauvagnac (DGS), gestionnaire de l’antique cagnotte dite «antigrève» de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM, principale branche du Medef), avait été condamné à trois ans de prison dont un ferme. Une peine sévère, compte tenu de l’ancienneté des faits. «Une période en juge une autre, philosophait alors son avocat, Me Jean-Yves Le Borgne. Financer les syndicats fut la mission historique de l’UIMM, même si on peut juger la méthode un peu vieillotte.»
Initiée en mai 68 et depuis judicieusement placée en Bourse, la caisse noire avait culminé jusqu’à 600 millions d’euros sous le règne de DGS (de 1995 à 2007). Les grèves n’étant plus ce qu’elles étaient, elle a fini par servir à arroser les syndicats dits réformistes : «Achats d’espaces publicitaires à prix d’or, location de stands au même prix, achats de journaux syndicaux», a égrené DGS. Soit une enveloppe de 495 000 euros entre 2002 et 2007 (seule période retenue pénalement, prescription oblige), dont 380 000 pour la seule CFTC et zéro pour la CGT. Un coup de pouce initialement de nature strictement logistique, doublé d’un arrosage à prendre au pied de la lettre : «Le dialogue social c’est pas un combat ou une guérilla, et il n’est pas anormal que la partie qui dispose de moyens facilite les transports et la restauration de l’autre partie.» Le Medef ayant depuis toujours sous-traité à l’UIMM les négociations sociales, tout cela ne servait selon DGS qu’à établir un «dialogue sain et constructif», en offrant le boire et le manger, le gîte et le couvert.
Remises d’espèces
Poussé par d’anciens dignitaires patronaux non poursuivis pour cause de prescription, DGS avait fini par en concéder un peu plus à la barre : oui, il aurait aussi remis des «espèces», en mains plus ou moins propres, à des dignitaires «syndicaux». Y compris cette fois la CGT ? «Je ne peux aller plus loin. Les versements étant toujours effectués entre quatre yeux, la personne qui reçoit pourra toujours nier.»
Reste que les mouvements en liquide (16 millions d’euros recensés sur la période 1995-2007) auront davantage bénéficié aux dirigeants patronaux : 850 000 euros versés en cash à une quinzaine de dignitaires, en complément de salaires occultes. A ce titre, l’UIMM avait été condamnée en première instance, en tant que personne morale, à 150 000 euros d’amende pour abus de confiance. Une première historique pour le syndicat patronal. Mettant tout le monde dans le même sac, mais sans vraiment rechercher l’étendue ou la pluralité des bénéficiaires de la caisse noire, le jugement de première instance s’était contenté de pointer que son utilisation, loin de simplement servir à «fluidifier» le dialogue social, selon l’expression désormais culte de DGS, aura surtout «jeté le discrédit sur tous les décideurs de la vie politique et économique du pays».
Renaud Lecadre