Louis Vuitton, l’art du voyage
C’est sans doute l’exposition de mode la plus attendue de l’hiver. Louis Vuitton présente Volez, voguez, voyagez dans le salon d’honneur du Grand Palais. La rétrospective, orchestrée par Olivier Saillard, directeur du musée de la Mode de la ville de Paris, retrace l’histoire de la maison, depuis sa création en 1854. Et éclaire, en même temps, les figures qui ont marqué Vuitton, de ses fondateurs – Louis, son fils Georges et son petit-fils Gaston-Louis Vuitton – à Nicolas Ghesquière, actuel directeur artistique des collections femmes, mais aussi ses créations phares, qui ont influencé l’univers de la mode et de la bagagerie.
Depuis la première malle plate
Perfectionnant la première malle plate, considérée aujourd’hui comme l’ancêtre du bagage moderne, le jeune Louis Vuitton et, plus tard, ses héritiers n’auront de cesse d’améliorer la solidité et la légèreté de leurs créations, qui en font des modèles d’ergonomie. Des toiles de couleurs et de motifs différents (damier, rayures sur fond uni, Monogram associant un semis de motifs floraux, végétaux et géométriques aux initiales LV) sont imaginées afin de distinguer la marque, de la protéger des contrefaçons, mais elles aident également leur propriétaire à reconnaître leurs malles d’un seul coup d’œil. Elles seront par la suite dotées d’une serrure à gorges, permettant d’ouvrir tous les bagages d’un même client avec une seule et unique clé. Conscient des changements des modes de vie et de l’essor des voyages en voiture, train, bateau ou avion, le malletier ne cesse d’innover en créant des bagages répondant aux exigences des temps modernes.
Des malles à tout
Malle plate, malle-cabine, malle pour chapeaux ou chaussures, valise porte-habits, dont un modèle spectaculaire garni d’une coiffeuse en crocodile, mallettes appui-pieds, malle-lit, malle aéro… seront bientôt suivies par la naissance du Steamer Bag. Ce modèle, inventé au tout début du XXe siècle, bouleversera à jamais l’industrie créative du bagage à main. Conçu initialement comme sac d’appoint pour y ranger le linge déjà porté tout au long d’un voyage, le Steamer Bag se plie et se range dans un compartiment de malle-armoire. Sa taille nouvelle, sa légèreté et sa commodité préfigurent la souplesse du sac moderne. Son système de fermeture sur ossature en toile ou en cuir annonce les futurs sacs à main que la mode s’approprie avec succès. Ses « petits-enfants » légitimes se nomment Speedy, Keep All, Nomade. Des modèles toujours prisés de nos jours.
Neuf salles d’exposition
Toutes ces inventions illustrent les neuf salles de l’exposition, « comme les fondements de la maison, précise Saillard. Ces partis pris thématiques permettent de mettre en parallèle des objets et bagages anciens avec des créations plus contemporaines ». Dans la pièce intitulée « L’invention du voyage, les expéditions Croisière noire et Croisière jaune », des malles, commandes d’explorateurs fortunés recouvertes d’aluminium ou de cuivre, flirtent avec le Vuitton Bag en bronze chromé, sculpture de l’artiste suisse Sylvie Fleury, qui inspira Marc Jacobs pour sa série de sacs en vinyle Monogram Miroir entre 2006 et 2008. Le sac Speedy en toile Monogram Graffiti imaginé par l’artiste américain Stephen Sprouse fait écho aux cahiers de dessins et essais de typographie de chiffres et de monogrammes imaginés par Gaston-Louis Vuitton dans la salle consacrée à l’écriture. L’homme, fou de littérature – il fut également éditeur via ses sociétés de bibliophilie qui publieront romans, nouvelles ou essais, dont Colline de Jean Giono –, imagina, pour ses besoins personnels, une malle-bibliothèque pouvant contenir des livres, une machine à écrire et du petit matériel de bureau. Le modèle exposé au Grand Palais est une commande de l’ambassade des États-Unis.
Pléthore de stars
La griffe séduit, dès ses débuts, des personnalités issues du monde tant de la politique, de l’industrie, des arts, des lettres que de la mode. Le visiteur découvre ainsi, au fil des salles, le bon de commande d’Henri Matisse et les malles et bagages ayant appartenu à Christian Dior, Paul Poiret, André Citroën, Greta Garbo, Lauren Bacall, Douglas Fairbanks et Errol Flynn…
Citons également l’étonnante malle pour tableaux datant de 1927, commande du marchand d’art René Gimpel. La boîte s’ouvre sur de gigantesques tiroirs où les châssis précieux trouvent refuge lors du transport. « C’est sans doute une de mes préférées, car elle est à la fois simple et monumentale », indique Olivier Saillard. Sans oublier les musiciens de renom. Dans la salle « Le salon de musique, les commandes spéciales, le transport du rêve » trônent la boîte pour violon en cuir conçue pour Pierre Sechiari et le porte-habits Bisten en alligator imaginé pour Pierre Boulez. Aménagé selon les désirs du chef d’orchestre, ce bagage contient un pupitre portatif, ses bandes d’enregistrement personnelles et ses partitions, un magnétophone, un métronome électronique, un Walkman Sony avec casque et cassettes, des carnets et un arsenal de crayons, stylos et gommes. Ou encore la DJ Box signée par Helmut Lang, réalisée à l’occasion du centenaire du Monogram, réplique luxueuse de celle utilisée par les DJ pour y ranger leurs vinyles.
Du 4 décembre 2015 au 21 février 2016. Salon d’honneur du Grand Palais, Paris 8e.