Etat d’urgence : le Conseil d’Etat suspend une assignation à résidence
Drôle de chassé-croisé. Le jour où Manuel Valls annonce que l’état d’urgence sera prolongé«jusqu’à ce que Daech soit éradiqué», le Conseil d’Etat suspend pour la première fois une assignation à résidence, l’une des mesures les plus utilisées par les autorités depuis le 13 Novembre.
La plus haute juridiction administrative avait déjà suspendu une mesure prise dans le cadre de l’état d’urgence, mais il s’agissait de la fermeture d’un restaurant à Cannes, suspension déjà demandée par le tribunal administratif.
Halim A., l’assigné à résidence qui vient d’obtenir gain de cause, avait vu son recours rejeté le 5 janvier par le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne). Saisi en urgence, selon la procédure du référé, le Conseil d’Etat a inversé cette décision et ordonné la suspension.
Pour justifier la privation de liberté d’Halim A., le ministère de l’Intérieur invoquait sa présence à proximité du domicile d’une personnalité protégée, où il aurait pris des photos. Sauf que la mère d’Halim A. habite à «proximité immédiate», relèvent les juges, et qu’en guise de photo, «il utilisait son téléphone portable en mode « haut-parleur » tenu face au visage afin de pouvoir conserver son casque sur la tête pendant l’arrêt de son scooter à trois roues pour appeler son épouse», indique l’ordonnance rendue.
Le Conseil d’Etat estime aussi que l’affiliation supposée d’Halim A. à «la mouvance islamiste radicale» n’est étayée par «aucun élément suffisamment circonstancié produit par le ministère de l’Intérieur». Ce qui revient à critiquer à demi-mot l’usage des «notes blanches», ces feuilles vierges de tout en-tête et signature qui énoncent des suspicions pour justifier les assignations à résidence.
Lundi, le Conseil d’Etat avait examiné au total dix-neuf recours liés à des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Neuf requêtes avaient été rejetées.
Pierre Alonso