Le contrat de génération, loin de l’objectif
C’est un tir à boulets rouges contre le contrat de génération si cher à François Hollande. «Hybride», «peu lisible», «complexe», avec un «effet sur le chômage quasiment négligeable», la Cour des comptes n’a pas épargné le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes et des seniors lancé en mars 2013. Première raison de son «insuccès» : le manque de simplicité, les modalités d’application dépendant de la taille des entreprises. Pour celles de moins de 50 salariés, il correspond à une aide annuelle de 4 000 euros pendant trois ans pour l’embauche en CDI d’un jeune et le maintien d’un senior (l’aide est doublée si l’entreprise recrute simultanément un jeune et un senior). Mais pour celles de plus de 300 salariés, il prend la forme d’une obligation de négocier un accord d’entreprise ou d’être couverte par un accord de branche, sous peine de pénalité financière. Et pour toutes les autres, qui se situent entre les deux seuils, les deux modalités s’appliquent. Une architecture trop complexe pour la Cour des comptes, d’autant que l’obligation de négocier, jugée peu incitative, «a été perçue par de nombreuses entreprises comme une contrainte et non comme une opportunité». Ce qui a fait «passer au second plan l’intérêt de l’aide financière».
«Appariement purement statistique»
Résultat, le bilan chiffré du dispositif est tout aussi catastrophique, bien loin de l’objectif d’atteindre 500 000 emplois d’ici 2017. Fin juillet 2015, «seulement 40 300 contrats assortis d’une aide [avaient été] signés, alors que plus de 220 000 étaient espérés à cette date». Quant au peu de contrats enregistrés, leur objet aurait été en partie dévoyé, selon les magistrats. Ainsi, les accords de branche ont «souvent renoncé au principe d’un binôme effectif entre un jeune et un senior pour privilégier un appariement purement statistique entre des jeunes et des seniors sans liens professionnels». Le contrat de génération s’est donc éloigné «de la logique de « compagnonnage » à laquelle se référait la définition initiale du dispositif». Pire, il aurait aussi souffert d’un effet d’aubaine, en devenant un «instrument de titularisation des jeunes» déjà présents au sein de l’entreprise. Avec, de fait, peu d’effet sur le chômage.
Dommage, puisque selon le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, le contrat de génération, était au départ «une bonne idée» pour favoriser la transmission des compétences, d’ailleurs «accueillie très favorablement par les partenaires sociaux». Mais en y ajoutant deux objectifs, celui de lutter contre le chômage des jeunes et celui de maintenir dans l’emploi des seniors, le dispositif serait devenu une usine à gaz. Pour la Cour, il convient donc de simplifier, voire d’abandonner les obligations liées à la négociation préalable pesant sur les entreprises de plus de 50 salariés et d’assouplir, de manière plus large, les critères d’aide. Des recommandations qui, sans nul doute, devraient plaire à Pierre Gattaz, le patron du Medef.
Amandine Cailhol