Désintox du «vrai-faux» du gouvernement, la suite

La bataille de la com fait rage autour du projet de loi du gouvernement réformant le code du travail. Le 26 février, ce dernier a complété son «vrai-faux» sur son projet de texte. Libération, qui l’avait déjà largement «désintoxiqué», analyse cette mise à jour de l’exécutif.

Indemnités pour licenciement économique

Ce que dit le gouvernement

L’analyse de Libération

Le gouvernement joue sur les mots. Oui, la nullité du licenciement n’est pas concernée par le plafonnement des indemnités prud’homales prévu dans la future loi. Mais pour une raison simple : le juge ne peut pas annuler un licenciement pour absence de motif économique. Il ne peut annuler un licenciement économique que si le plan social – si plan social il y a – a été annulé en amont, essentiellement pour des questions de procédure ou insuffisance des mesures de reclassement.

Si le juge considère que le licenciement est dépourvu de motif économique, il ne peut que le déclarer injustifié, ce qui constitue une sanction un cran en dessous de l’annulation. Et dans ce cas-là alors, les indemnités qu’il pourra accorder au salarié seront bien plafonnées, comme le prévoit le projet.

Par ailleurs, en cas d’annulation du licenciement économique pour raison d’invalidation du plan social, l’indemnité minimale ne correspondra plus aux douze derniers mois de salaire, mais aux six.

Modulation du temps de travail

Ce que dit le gouvernement

L’analyse de Libération

Certes, il faudra un accord majoritaire pour que l’employeur puisse moduler le temps de travail, sur plusieurs années et dans la limite de trois ans, afin de neutraliser le paiement des heures supplémentaires. Jusqu’à maintenant, il ne pouvait le faire que sur l’année. Mais rien n’indique, dans le projet de loi, que cela ne concernera que des « cas très spécifiques ». Par ailleurs, les employeurs pourront continuer à moduler le temps de travail sur quatre semaines sans accord, une possibilité étendue à 16 semaines dans le projet de loi pour les PME de moins de 50 salariés.

Enfin, quand le gouvernement dit que les heures supplémentaires continueront d’être rémunérées, c’est vrai. Mais seulement si, en moyenne, le temps de travail a dépassé la durée légale sur la période de référence. Pour la durée de trois ans par exemple, c’est seulement au bout de cette période que l’on regardera les compteurs du salarié pour voir si oui ou non il a fait des heures sup.

 

Consultation des syndicats

Ce que dit le gouvernement

L’analyse de Libération

Les partenaires sociaux (organisations patronales et syndicales) ont été effectivement consultés par le gouvernement dans le cadre de la préparation de cet avant-projet de loi. Mais parler « d’étroite concertation » semble abusif. En effet, plusieurs confédérations syndicales reprochent précisément à l’exécutif de ne pas avoir été suffisamment associées. Certains l’accusent même d’avoir rajouté l’article 30 bis sur le licenciement économique au dernier moment, dans la version finale du texte non présentée aux syndicats. Par ailleurs, si «étroite concertation» il y avait eu, il n’y aurait peut-être pas unanimité des confédérations syndicales contre le texte.

 

Rôle des syndicats

Ce que dit le gouvernement

L’analyse de Libération

Non, «toutes les souplesses introduites pour les entreprises» ne seront pas conditionnées à un accord avec les syndicats. C’est justement ce que la CFDT reproche à ce texte, c’est-à-dire d’élargir le pouvoir unilatéral de l’employeur en l’absence d’accord. Il en est ainsi, par exemple, de la modulation jusqu’à 16 semaines dans les PME ou encore, toujours dans les PME, de la possibilité pour l’employeur de mettre en place des forfaits jours. Plus largement, le rôle des syndicats est plutôt écorné.

Certes, le champ de la négociation est considérablement élargi, mais le processus de validation d’un accord est modifié. Le gouvernement a raison de dire qu’il faudra la signature d’un ou des syndicats représentant 50% des voix aux élections professionnelles pour valider un accord, contre 30% aujourd’hui. Mais il oublie de mentionner qu’aujourd’hui, si les organisations majoritaires s’opposent aux signataires minoritaires représentant 30%, l’accord ne peut être validé. Or le nouveau texte supprime ce droit d’opposition. A la place, il prévoit le déclenchement d’un référendum des salariés par les minoritaires pour valider le texte. Et le résultat de cette consultation s’imposera aux syndicats majoritaires, même s’ils pèsent 70% des voix dans l’entreprise.

Luc Peillon