Le pétrole bon marché, pas si profitable à la France

Si, à première vue, la dégringolade des cours a bénéficié aux finances tricolores, ses effets sur le long terme se révèlent plus préoccupants pour la croissance.

Un gain de 225 eurospar ménage: le gouvernement n’aurait pas fait mieux pour doper le pouvoir d’achat des Français. En janvier 2015, devant les députés, le ministre des Finances, Michel Sapin, se réjouissait par avance des effets d’un pétrole bon marché sur les finances tricolores et le revenu des ménages. A l’époque, il ne pouvait imaginer que le baril tomberait sous les 30 dollars un an plus tard. Aujourd’hui, cette dégringolade est-elle toujours une aussi bonne nouvelle pour l’économie française?

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D’un point de vue strictement comptable, l’affaire est entendue. « L’effet pétrole est immédiat, les dépenses des ménages ont considérablement augmenté l’an passé », estime Axelle Lacan, de Coe-Rexecode. Selon ses calculs, la chute du baril en 2015 a permis à la France d’économiser 17,5 milliards d’euros sur sa facture énergétique, aux Français de gagner 6,8 milliards d’euros de revenus supplémentaires, et aux entreprises d’afficher 7 milliards d’euros de marges en plus. Une aubaine non négligeable.

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« Au total, nous avons calculé que chaque baisse de 20 dollars du cours du baril rapportait 0,23 point de croissance supplémentaire à la France, soit un surplus de 0,5 point de PIB en plus en 2015 », évalue de son côté Céline Antonin, de l’OFCE.

La transition énergétique entre parenthèses

Avec un baril ayant chuté de 75% depuis l’été 2014, on aurait pu espérer que la croissance française en profite davantage. « Du fait de la baisse de consommation des pays producteurs de pétrole, les exportations françaises n’ont pas progressé autant qu’espéré. Quant aux entreprises, elles ont préféré thésauriser ce petit trésor de guerre plutôt qu’investir », explique Patrick Artus, l’économiste en chef de Natixis.

En plus des tensions géopolitiques, les à-côtés négatifs d’un pétrole durablement bas sont nombreux. Parmi eux, l’inflation nulle est un sujet de plus en plus préoccupant. « L’an dernier, elle a limité l’effet de certaines mesures d’économies budgétaires, comme le gel des prestations sociales indexées sur l’inflation », explique Axelle Lacan. De plus, et c’est sans doute le plus grave, « avec une inflation à zéro, tous les efforts de la BCE pour soutenir la croissance sont annihilés », constate Patrick Artus.

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Autre risque pointé par les observateurs: celui de la mise entre parenthèses de la transition énergétique. « Avec un pétrole à 100 dollars, on était déjà incapable de faire émerger un prix du carbone dissuasif. Aujourd’hui, la volonté politique risque de disparaître », regrette Matthieu Auzanneau, chargé de la prospective au Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique. C’est sûr, avec un prix à la pompe du gazole d’à peine un euro le litre, les automobilistes ne sont pas près de laisser leur diesel au garage…

Les « plus » de la baisse en 2015

225 euros:le pouvoir d’achat supplémentaire par ménage

17,5 milliards d’euros: la baisse de la facture énergétique globale

7 milliards d’euros:le gain de marges des entreprises

0,5% de PIB:le surplus de croissance lié au pétrole

Sources: Xerfi, Coe Rexecode, OFCE.