L’industrie de la mode est-elle devenue folle ?
Un vent de changement souffle sur les podiums. Déjà, le très sérieux Council of Fashion Designers of America s’était interrogé sur la pertinence du calendrier et du format des actuelles Fashion Weeks. En cause : le nombre excessif de défilés (quatre, voire six par an quand les marques créent des collections féminines et masculines) et le délai trop long entre la présentation des collections et la commercialisation des pièces. Burberry va plus loin. La marque a annoncé qu’elle renonçait à l’agenda classique de la mode, qu’elle ne ferait plus que deux défilés par an (en février et en septembre), rassemblant ses collections homme et femme, et que celles-ci seraient disponibles à la vente lors du show ou le lendemain.
Bouleverser création, présentation et distribution
La griffe britannique bouleverse du même coup création, présentation et distribution. « Nous voulons construire une connexion plus profonde entre l’expérience créée avec nos défilés et le moment où les gens peuvent explorer physiquement les collections pour eux-mêmes. Nos défilés sont en train d’évoluer pour effacer ce fossé », déclare Christopher Bailey, directeur général et directeur de la création Burberry. Même démarche pour Tom Ford, qui a reporté de février à septembre la présentation de sa collection automne-hiver 2016, afin qu’elle puisse être disponible à la vente dans la foulée. « Dans un monde devenu de plus en plus instantané, la façon actuelle de présenter une collection quatre mois avant qu’elle ne soit disponible pour les clients est une idée datée et qui n’a plus de sens », a expliqué le créateur américain. Il est désormais rejoint par Tommy Hilfiger et Michael Kors. Récemment, Giorgio Armani s’est dit prêt à s’adapter à cette nouvelle donne du calendrier, mais n’est pas convaincu par le « see now buy now ». Plus tôt, la griffe Chloé déclarait qu’elle ne diffuserait les images de ses précollections qu’au moment de l’arrivée des produits en boutique. Une approche inverse de celle de Burberry, mais la logique est la même. Dans les deux cas, ces deux marques ne veulent plus générer une attente auprès du public et ne pas la satisfaire tout de suite.
Virage à 180 degrés
Comment expliquer ce virage à 180 degrés ? « Les réseaux sociaux sont sans doute responsables de ce chamboulement du calendrier. Le live permanent et les pics de viralité pendant les Fashion Weeks poussent les marques à capitaliser sur ce climat de communication. Le consommateur sera plongé dans une nouvelle expérience d’achat : le show immédiatement en magasin. Ce mouvement va sans doute bousculer le rythme général, mais j’ai le sentiment que tout le monde va se caler sur cette configuration tactique et commerciale », analyse l’experte en communication Delphine de Canecaude, fondatrice de The Red List et d’Étoile rouge. D’ailleurs, le 10 janvier, le créateur J. W. Anderson, également directeur artistique de Loewe, présentait son défilé homme automne-hiver 2016 à Londres et le retransmettait en direct et en exclusivité sur l’application de rencontres gays Grindr. « Nous cherchons toujours les moyens de repousser les limites concernant le genre et notre esthétique, a expliqué le designer britannique. Et bien sûr, la portée globale de Grindr est indéniable. C’est pourquoi nous pensons qu’il est parfaitement logique que ce site soit le premier support à retransmettre le défilé. »