Les burkinis « Marks & Spencer » font polémique
La mode « pudique » a le vent en poupe. Après la firme japonaise Uniqlo et sa récente commercialisation de voiles islamiques (hidjabs) dans sa boutique londonienne, c’est au tour de la chaîne de magasins anglaise Marks & Spencer de lancer son tout premier burkini, néologisme né de « burqa » et de « bikini ». Disponible en ligne pour 62,95 euros, la tenue bleue à motifs floraux garantit « couvrir l’ensemble du corps à l’exception du visage, des mains et des pieds, sans faire de compromis sur le style ». Légère, elle permettrait aux consommatrices concernées de nager à l’aise.
Appels au boycott
La mise en vente sur le site de M&S de cette « combinaison de bain trois pièces » a suscité une avalanche de commentaires déplaisants, allant jusqu’à l’appel au boycott. « Désolé, M&S, mais vous venez de perdre un client de longue date », « Par pitié, n’encouragez pas ces bêtises en Angleterre », « Et moi qui croyais vivre dans un pays chrétien… » comptent parmi les critiques acerbes signées des résidents du Royaume-Uni. En France, où ce type de vêtement est souvent pointé du doigt, le débat fait également rage. La ministre des Droits des femmes en personne a fustigé l’essor du style vestimentaire islamique favorisé par certaines enseignes de distribution. « Lorsque des marques investissent ce marché […] parce qu’il est lucratif, elles se mettent en retrait de leur responsabilité sociale et font, d’un certain point de vue, la promotion de cet enfermement du corps des femmes », a souligné Laurence Rossignol mercredi au micro de RMC.
L’homme d’affaires Pierre Bergé lui donne également raison. L’ex-compagnon d’Yves Saint Laurent a lancé dans la foulée un appel aux créateurs impliqués : « J’ai toujours cru qu'[ils] étaient là pour embellir les femmes, pour leur donner la liberté, pas pour être complices de cette dictature », a-t-il entre autres asséné sur les ondes d’Europe 1. Pour la créatrice Agnès b., l’épineux sujet mérite réflexion. Interrogée par Le Parisien, la styliste estime que la question a trait au religieux autant qu’à la mode : « Il y a un côté obscène à proposer des tenues pour des femmes riches dans des pays où certaines fuient les bombes avec leur voile de fortune sur la tête. Moi, je n’en ferai jamais. »
Dans la foulée de H&M
Le plus grand distributeur de prêt-à-porter du Royaume-Uni emboîte en fait le pas au géant suédois H&M. Dans un spot publicitaire mis en ligne début septembre, une jeune femme musulmane aux cheveux recouverts d’un foulard bicolore se démarquait des autres mannequins. « Il n’y a pas de règle dans la mode, sauf une : recyclez vos vêtements », énonçait alors la griffe pour promouvoir sa campagne écologique. Un coup de pub réussi qui avait valu au modèle, originaire du Maroc, une pluie d’éloges sur les réseaux sociaux. Côté haute couture, la maison italienne Dolce et Gabbana s’était jetée à l’eau en janvier avec une ligne de hidjabs et d’abayas (robe islamique modeste, NDLR), clou du spectacle de la collection printemps-été 2016.
22 % de la population mondiale
Conscient des retombées politiques de son message, H&M assurait en 2015 être à l’origine de collections autorisant à chacun(e) « d’habiller sa personnalité » sans soutenir « un choix de mode de vie en particulier ». Une chose est sûre : la mode islamique est surtout un marché porteur : en 2013, les musulmans – qui représentent 22 % de la population mondiale – ont dépensé 266 milliards de dollars en habillement, selon l’agence de presse Reuters. Un chiffre pourrait atteindre 484 milliards de dollars d’ici à 2019. De quoi convertir, peut-être, des marques françaises au foulard ? Sans doute pas.