«Panama papers», ce que l’on sait
Un consortium d’investigation international (auquel participent en France Le Monde et Cash investigation) a révélé ce dimanche soir un scandale fiscal d’ampleur mondiale, désormais connu sous le nom «Panama papers». Plusieurs célébrités ont notamment été citées. Un parti politique français serait également concerné. Le point sur cette affaire de montages financiers «offshore».
Que reproche-t-on à Michel Platini, Vladimir Poutine ou Jérôme Cahuzac ?
Une enquête menée par 107 médias internationaux a révélé dimanche que des milliers d’anonymes et de nombreuses personnalités ont détenu, entre 1977 et 2015, des sociétés hébergées au Panama. Ce pays est particulièrement propice aux montages financiers permettant notamment l’évasion fiscale. Une liste de 140 noms a été dévoilée, parmi lesquels on retrouve par exemple Michel Platini, Vladimir Poutine ou Jérôme Cahuzac. Cependant, il n’est pas encore possible, à ce stade, de différencier les personnes ayant employé des techniques d’optimisation fiscale, légales, et celles ayant eu recours à l’évasion fiscale, illicite.
D’où viennent ces informations ?
L’affaire a été divulguée par le Consortium international des journalistes d’investigation, qui fédère 107 rédactions réparties dans 76 pays. En France, le Monde et Cash investigation ont notamment participé à l’enquête. Celle-ci a été rendue possible par la divulgation de 11,5 millions de fichiers provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, une société spécialisée dans la domiciliation de sociétés «offshore». Si le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung aurait été le premier à partager ces informations, l’origine de la fuite reste inconnue. Dans un mail daté du 1er avril, la firme panaméenne a simplement informé ses clients qu’elle avait été «victime d’une brèche dans ses serveurs mails», selon BFM TV. Le Monde affirme qu’il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
Qui est impliqué ?
128 dirigeants politiques ou hauts fonctionnaires apparaîtraient dans les documents. Parmi eux, douze chefs d’Etat ou de gouvernement, dont la moitié actuellement au pouvoir. Le président argentin, Mauricio Macri, le Premier ministre islandais, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, le roi d’Arabie Saoudite, Salmane Al Saoud, le président ukrainien, Petro Porochenko, et le président des Emirats Arabes Unis, Khalifa bin Zayed, sont notamment cités.
La France, ce sera dans la semaine. Et il n’y aura pas que Cahuzac. Donc on patiente et on se détend 🙂
— Samuel Laurent (@samuellaurent) 3 avril 2016
Des personnalités du monde du sport ont également été utilisées en exemple. La star argentine Lionel Messi aurait ainsi ouvert un compte offshore. L’ex-président de l’UEFA Michel Platini, actuellement suspendu de cette instance sportive pour une affaire de corruption présumée, apparaîtrait dans les fichiers de la société panaméenne pour avoir procuration sur une société nommée Balney Enterprises Corp. Plus largement, mille ressortissants français, ainsi qu’un parti politique national, seraient passés par le cabinet Mossack Fonseca.
Dans sa présentation de son émission spéciale de mardi, Cash investigation évoque aussi les noms de Patrick Drahi (propriétaire de Libération), de Patrick Balkany ou du père de David Cameron, sans donner pour l’instant plus de détails.
« Paradis fiscaux : le casse du siècle » un #cashinvestigation exceptionnel mardi 20.55 #panamapapers
cc @EliseLucethttps://t.co/w54NF60RYw— France 2 (@France2tv) 4 avril 2016
Pourquoi un compte ouvert au Panama est-il suspect ?
Le Panama est considéré comme une place forte de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent. Ce petit Etat d’Amérique centrale (75 000 km2) recense plus de 100 000 sociétés opaques et exonérées d’impôts. Malgré des pressions diplomatiques en provenance du G20 ou de l’OCDE, le pays fait parti des quatre derniers récalcitrants à se soumettre à l’échange systématique de données fiscales, comme le font désormais la Suisse, Singapour ou les îles Vierges britanniques.
En France, que risquent les personnes incriminées ?
La loi française punit la fraude fiscale réalisée au moyen de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger. En cas de tromperie avérée, les peines vont jusqu’à sept ans d’emprisonnement et deux millions d’euros d’amende. Pour cela, les autorités doivent déterminer que le droit fiscal n’a pas été respecté et que l’impôt a été éludé. Une distinction est également faite entre les fautes intentionnelles ou non-intentionnelles. Pour l’instant, ces éléments n’ont été révélés pour aucune des personnes citées.
Robin Korda