Rolls Royce Dawn : invitation à la croisière automobile
VERDICT CHRONO
C’est sans doute l’expression la plus aboutie du luxe, celui qui ne suscite pas l’ombre d’une question auprès de l’acheteur tant la réponse lui apparaît évidente. Pourtant, se glisser dans la peau d’un milliardaire l’espace de quelques heures permet de mesurer ce qu’est une voiture « faite main », à l’ancienne, et le souci de la perfection. Il y a pourtant les affres du parking lorsque le voiturier n’est pas là ou de faire le plein puisqu’un cabriolet se conduit soi-même. Mais ce genre de contingences n’effleure même pas l’acheteur potentiel qui veut sa Rolls et rien d’autre. Les rivales ? « une toile de maître, un jet privé ou un yacht, mais quand on envisage d’acheter cela, on a déjà une Rolls », assure le président de la marque, Torsten Mueller-Ötvös. Nous n’en dirons pas plus, la Rolls est irremplaçable et la Dawn en est l’expression la plus aboutie.
LE PROJET
Ce n’est pas un bateau ordinaire puisqu’il a quatre roues et vogue sur l’asphalte. Mais après avoir parcouru quelques centaines de kilomètres à son volant, on se demande encore si elle appartient totalement à l’espèce automobile. Rolls Royce lui-même sème le doute en proposant une présentation qui relève de l’accastillage. Le couvercle de capote peut être doublé de lames de bois façon pont de yacht. De la même façon, les commandes chromées évoquent les runabouts des années soixante. La Rolls Royce Dawn déroule le long du quai – pardon, du trottoir – 5,30 m de luxe et de raffinements absolus, de ceux qui dépassent l’entendement.
Dérivée du fastueux coupé Wraith, mais raccourcie de 30 bons centimètres, la Dawn – ce qui signifie aube – voit le jour se lever sur son capot d’une toute autre façon que la piétaille mécanique. Eleanor Thornton, qui aurait servi de modèle pour la figurine ailée trônant toujours au sommet de la calandre en temple grec, témoigne de la constance à travers les époques de ce souci de perfection.
Un souci résumé par Henri Royce de cette façon : « pas de compromis, partir de ce qu’il y a de mieux et l’améliorer encore. Et si cela n’existe pas, inventez-le ». Ainsi est née la Silver Dawn en 1952, une voiture rare (28 cabriolets) dont s’est inspirée le modèle 2015.
CE QUI CHANGE
Avec une Rolls, c’est une comptabilité bien difficile à établir. Ainsi, alors qu’ailleurs le cabriolet serait dérivé du coupé, chez Rolls, on recrée une voiture à part entière ou presque. Plus courte, nous l’avons dit, elle dispose de sa propre silhouette puisque 80 % des éléments de carrosserie sont nouveaux. Capot long, porte-à-faux avant court, arrière effilé, la Dawn campée sur des roues de 20 ou 21 pouces détermine en fonction de cette taille la hauteur de caisse, égale au double de cette dimension. Le châssis, bien que raccourci, n’est guère différent de celui de la Ghost, mais avec un empattement réduit de 18 cm et une voie arrière élargie de 24 mm.
Côté mécanique, on retrouve avec plaisir le V12 biturbo 6,6 l de 570 ch, fourni par BMW. Une cavalerie d’autant plus conséquente que le généreux couple de 780 Nm est fourni à 1 500 tours. Un gage de reprises vigoureuses, théoriquement amplifiées par la boite ZF à 8 rapports. La suspension, toujours pneumatique, a été adaptée aux caractéristiques différentes de la Dawn avec des barres antiroulis actives spécifiques. Ajoutons que, pour éviter le grotesque du changement de roue crevée sur le bord de la nationale, Rolls Royce a prévu des pneumatiques « roulage à plat » qui permettent d’effectuer jusqu’à 160 km à 80 km/h maxi avant remplacement.
Le toit, sur un cabriolet, joue un rôle capital, et ne pouvait offrir un confort et un silence inférieurs à la version coupé. Les coutures par exemple ont été conçues pour ne pas générer de remous synonymes de nuisances sonores tout comme la toile particulièrement lisse. C’est dire la générosité du capitonnage interne triple épaisseur et l’étanchéité des vitres à faible hauteur, toutes descendantes. L’opération s’effectue en vingt-deux secondes, dans un silence total et en roulant jusqu’à pratiquement 50 km/h. À découvert, la Dawn est tout aussi élégante et laisse admirer le sublime habitacle disposant de quatre vrais sièges, climatisés et chauffés au choix.
LA VIE À BORD
Véritable cocon, le mobilier de la Dawn peut être configuré au choix du client, cela va de soi. Le rapprochement avec une vedette Riva sur le lac de Côme s’impose car le couvre-capote peut être garni d’une ébénisterie à pores ouverts qui cascade entre les sièges arrière et ceinture les portes. Il ne reste plus qu’à embarquer et pour cela, ouvrir avec les énormes poignées, à la finition perfectible sur notre voiture d’essai, les larges portes à contresens. Comme elles ont la taille du coffre de la Banque de France pour donner accès aux 4 places, on ne peut plus, une fois assis, saisir la poignée pour refermer. Qu’à cela ne tienne, les ingénieurs ont prévu un bouton à la base du pare-brise pour refermer électriquement la portière. Magistral, car l’action s’effectue dans un souffle.
On va vous épargner la litanie des équipements, la Rolls a tout ce qui importe et facilite la vie. La planche de bord – elle mérite vraiment son nom – sera choisie dans l’essence et la finition désirée. On adore les tirettes chromées et chaque élément qui semble avoir été taillé dans la masse. D’ailleurs, la Dawn n’est pas spécialement légère puisqu’elle affiche 2 560 kg sur la balance. Un gros effort de simplification a été consenti afin de ne pas compliquer la vie de celui qui aura la chance de la conduire. Conçue pour être le cabriolet le plus silencieux au monde, elle fait la part belle à un système audio très raffiné dont les performances sont automatiquement adaptées selon que le toit est ouvert ou fermé. En revanche, le coffre n’est pas franchement géant et perd encore 50 litres de contenance afin d’accueillir le toit plié.
L’AVIS DU POINT AUTO
Succédant à la Phantom Drophead Coupé, dont les derniers exemplaires sortiront en septembre, la Dawn impressionne beaucoup au moment de grimper à bord. Derrière l’interminable capot, on mesure d’un coup la responsabilité qui nous incombe alors que nous commençons à tutoyer les ruelles étroites des villages de l’arrière-pays niçois. On n’en mène encore moins large que la Rolls qui se trouve rapidement à l’étroit mais dont la moindre rayure de carrosserie doit valoir deux ou trois smic à effacer et une migraine au contrôleur de gestion du Point.
Au prix de moult précautions qui confinent à un éloge de la lenteur, il est permis tout de même de manœuvrer dès l’instant où les dimensions de paquebot de l’engin sont entrées dans le compas que nous avons tous dans l’œil. La déférence complice des autres usagers nous a facilité la tâche certes, mais la Dawn est de bonne composition. Il faut cependant, dans les cas les plus difficiles, composer avec un diamètre de braquage de… 12,7m et un encombrement qui vous rapprochera des soucis du chauffeur livreur. Comme quoi il n’y a pas de sot métier.
Passé ces écueils villageois, la route Napoléon avec ses amples courbes et ses splendides vues dominantes a fourni un terrain d’essai parfait à une Dawn impressionnante de douceur et de prévenance. Avec elle, les ostéopathes seraient au chômage et passer un gendarme couché deux fois plus vite qu’avec une voiture ordinaire donne une idée de la capacité des suspensions pneumatiques à tout digérer. La direction se montre sensible et fidèle tandis que le roulis informe, en courbe, du seuil à ne pas dépasser.
Cependant, malgré ses caractéristiques hors normes, la Dawn fait preuve d’une vélocité sans rapport avec sa taille. L’énorme couple permet de jouer assez aisément des reprises vigoureuses, pourvu que la boîte, un peu lente, consente à suivre le rythme. Elle le fait, bien sûr, d’autant mieux qu’avec l’habitude on aura appris à anticiper. Démunie de position sport, elle est en revanche prédictive en mode automatique grâce au GPS qui analyse les virages ou la pente de la route à venir pour adapter le meilleur rapport.
Nous, on préfère faire nous-même, et on cherche la position manuelle sur le petit levier installé sur la colonne de direction, sans succès. Tout juste nous propose t-on un position « low » qui permet de garder les rapports intermédiaires afin de fournir du frein moteur par exemple. Pas inutile car, malgré leur taille, les freins peinent à contenir ce poids lourd anglais lancé à pleine vitesse…
En revanche, pour choisir le rapport sur lequel vous voulez être, vous repasserez, c’est Rolls Royce et ZF qui décident à votre place. La tentation est forte d’appuyer sur l’accélérateur et la façon dont ce monstre décolle laisse assez pantois au regard de la masse à remuer. Toutefois, dans cet exercice, la sonorité du V12 manque à l’appel car il semble bien que c’est le silence qui a été avant tout recherché. But totalement atteint mais frustration d’avoir un aussi beau moteur qu’on n’entend pas, au moins quand on en fait la demande. Les solutions existent mais Rolls Royce doit penser que cela fait vulgaire. Nous n’en sommes pas du tout sûrs mais comme les acheteurs sont préemptés, la vérité sera bien longue à connaître.
LES PLUS
– Icône absolue du luxe
– Agrément de conduite hors norme
– Performances élevées à relativiser
– Collector avant l’heure
LES MOINS
– Poids et encombrement
– Endurance des freins
– Boîte trop conservatrice
– Coffre exigu
Sous le capot de la Rolls Dawn Cabriolet
Moteur : V12 à 60° bi-turbo à injection directe d’essence
Cylindrée : 6 592 cm3
Puissance : 570 ch à 5 250 tr/min
Couple : 780 Nm à 1 500 tr/mn
Transmission : roues arrière motrices
Boîte : automatique 8 rapports
Dimensions L x l x h : 5 285 x 1 947 x 1 502 mm
Coffre : 244 – 295 l
0 à 100 km/h : 4,9 s
Vitesse : 250 km/h
Consommation : 14,2 l
CO2 : 330 g/km (malus 8 000€)
- Poids : 2 560 kg ( 4,49 kg/ch)
Prix : à partir de 332 400 euros