Macron en marche ? « Nous assumons de lever des fonds »
À l’agenda d’Emmanuel Macron pour ce jeudi 14 avril était inscrit ceci : « Déplacement à Londres pour le lancement du French Tech Londres. » L’après-midi fut chargé, entre une conférence organisée par le Financial Times sur « l’importance d’une Europe unie dans un monde incertain » et le lancement, donc, du fameux « hub » regroupant les start-up françaises consacrées aux hautes technologies, implantées dans la capitale britannique. Devant les invités du prestigieux quotidien financier, Macron livre son avis sur le Brexit, auquel il n’est pas favorable, comme il le fera au cours d’une interview enregistrée pour la BBC ou lors du lancement du French Tech.
Mais c’est un rendez-vous en marge de ce déplacement officiel de ministre de l’Économie qui lui est revenu en boomerang mardi après-midi. Lors des questions au gouvernement, le député Les Républicains Georges Fenech prend la parole dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et dénonce « la confusion des genres ou, pire, le conflit d’intérêts » opéré par Macron lors de son déplacement outre-Manche du 14 avril.
Il en aurait profité, selon l’élu d’opposition qui se base sur des informations parues notamment dans Le JDD à l’époque, pour effectuer une levée de fonds pour son mouvement En marche !. Fenech conclut en évoquant « une possible saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ». Dans une colère noire, Manuel Valls, exaspéré par l’émancipation de son ministre, se saisit du micro et martèle : « Il n’y a eu aucune levée de fonds particulière pour je ne sais quelle association. »
« Ce n’est pas choquant de financer un mouvement politique »
En l’occurrence, le chef du gouvernement dément un peu vite. Ce 14 avril, à sa descente de l’Eurostar, Emmanuel Macron s’est bien rendu à une rencontre privée organisée par Christian Dargnat, ex-directeur général de BNP Paribas Asset Management, qui préside aujourd’hui l’association de financement d’En marche !. Il y a retrouvé entre 80 et 100 entrepreneurs, des patrons de start-up principalement, à qui il a présenté En marche !. Christian Dargnat a explicitement dit aux convives que, s’ils voulaient « aider Emmanuel », il ne fallait pas hésiter à participer financièrement.
N’en déplaise à Manuel Valls, tout l’entourage d’Emmanuel Macron, de son cabinet à En marche !, en passant par ses amis de la société civile, assume parfaitement la démarche. « Nous assumons de lever des fonds. Nous sommes un nouveau mouvement, nous ne recevons pas de subventions publiques, pas de cotisations d’élus, nous devons rechercher des financements. On en a besoin pour exister, tout simplement », dit-on dans l’équipe d’En marche !, où l’on s’agace des critiques : « Il faut qu’on accepte dans ce pays que ce n’est pas choquant de financer un mouvement politique. Ceux qui gagnent le plus aujourd’hui sont les plus anciens partis et ceux qui ont le plus d’élus. De fait, il y a une barrière à l’entrée assez colossale. »
Module de dons sur le site
Bref, Emmanuel Macron est bien en quête de fonds, officiellement pour « la grande marche » qu’il a décidé d’organiser jusqu’à la fin de l’été, pour des locations de salles ou l’organisation de réunions publiques. La campagne pour les législatives 2017, au minimum, est dans toutes les têtes, et l’ombre de la présidentielle flotte au-dessus du mouvement – même si Macron a démenti les informations de Mediapart selon qui il se déclarerait dès le 10 juin. Il dément aussi formellement une autre information qui a circulé selon laquelle il aurait déjà récolté 12 millions d’euros, qualifiant cette somme de « fantaisiste », chaque donateur ne pouvant donner « que » 7 500 euros au mouvement comme la loi le prévoit.
Pour accélérer la récolte, plusieurs dîners en présence d’Emmanuel Macron pourraient avoir lieu rapidement. Un mail circule depuis quelques jours entre investisseurs potentiels annonçant deux dates de soirée, les mercredis 1er et 8 juin. Les hôtes vont jusqu’à préciser : « Nous faisons le pari de déverrouiller ce système, suivant lequel la politique serait une affaire de professionnels assermentés : un entre-soi nauséabond. Mais pour y arriver, nous avons un besoin très concret de financements. Pour vous donner un ordre de grandeur : il faut 18 millions d’euros pour financer une campagne présidentielle en France. »
Par ailleurs, selon nos informations, un module de dons sera mis en place sur le site internet d’En marche ! dès la semaine prochaine. N’importe qui pourra alors contribuer.
« Si j’ai lancé En marche !, c’est pour y aller »
Tout ça pour quoi ? Lorsqu’un invité londonien a demandé le 14 avril à Emmanuel Macron de « lever l’ambiguïté sur [ses] ambitions », s’il avait l’intention d’« aller au bout » et de se présenter à une présidentielle, l’avertissant : « On veut bien vous financer, mais c’est pas pour aller faire la campagne de Hollande ensuite », Macron a livré cette réponse : « À droite comme à gauche, les partis créent des candidats qui ne sont que la synthèse de gens qui pensent différemment entre eux. Moi, si j’ai lancé En marche !, c’est pour y aller, et y aller maintenant. »
Un de ses amis raconte la suite : « Emmanuel a dit qu’il sentait bien qu’il dérangeait dans le petit monde classique des politiques où tout le monde lui laisse entendre qu’il est sans doute brillant, mais qu’il faut qu’il prenne son ticket pour la file d’attente, aille se faire élire quelque part et revienne dans dix ans. » Ce n’est manifestement pas du tout l’intention du ministre.