Dans le secret du nouveau Ritz
Aéroport de Roissy. 8 heures. À peine avez-vous glissé un pied hors de l’avion qu’un chauffeur s’empare de vos bagages. Le temps de franchir en vitesse accélérée – privilège absolu ! – le passage à la douane, vous voilà installé à l’arrière d’une luxueuse berline noire aux vitres teintées. C’est un accueil digne d’un chef d’État que promet de réserver l’hôtel Ritz à ses meilleurs clients dès leur atterrissage à Paris. Luxe du luxe, ces derniers, qui prendront possession de leur chambre à n’importe quelle heure de la journée, pourront même rejoindre le palace en toute discrétion par un tunnel de 75 mètres de longueur creusé à 8 mètres de profondeur à partir du parking souterrain.
Après avoir (re)fermé ses portes en fer forgé le 31 juillet 2012 pour la première fois de son histoire depuis son inauguration en 1898, le mythique joyau de la place Vendôme s’apprête à les rouvrir le 6 juin. « Le coup d’envoi du match est imminent. Nous nous sommes préparés pendant quatre ans. Nous nous sommes entraînés comme jamais. Notre équipe de 600 personnes ne fait qu’une sur le terrain. Nous avons tout pour remporter la partie ! » confie au Point Christian Boyens, directeur général du Ritz. Le chantier, confié à Thierry W. Despont, a été pharaonique. Installé depuis quatre décennies à New York, le célèbre architecte, designer et artiste français, qui a construit les maisons de Bill Gates, Calvin Klein, Ralph Lauren et Lakshmi Mittal, a réussi le tour de force de conserver la magie du prestigieux hôtel âgé de 118 ans tout en y associant les technologies de pointe. L’art de vivre bleu-blanc-rouge dans toute sa splendeur, mêlant le XVIIIe siècle en majesté, l’opulence du style Empire, la quintessence du classicisme et le vent de fraîcheur du contemporain. Tout changer pour que rien ne change, en somme. « Une démarche audacieuse, fidèle à l’esprit d’innovation de César Ritz, pour nous permettre de pénétrer dans le XXIe siècle « , se réjouit Christian Boyens.
Le bijou de 26 000 mètres carrés avec son luxuriant jardin à la française, propriété du milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed, accueille désormais sur 6 étages 142 clés, contre 159 auparavant. Les 71 chambres et 71 suites, toutes différentes les unes des autres, sont habillées de boiseries fines, de tentures aux couleurs pastel, et équipées d’une baignoire, d’une douche et d’une double vasque. D’une superficie de 40 à 300 mètres carrés, leur prix commence à 1 000 euros pour grimper à 27 000 euros la nuit pour l’Impériale. Les 15 plus prestigieuses, parfois dotées d’une spacieuse terrasse, sont baptisées du nom d’illustres hôtes : Coco Chanel, Maria Callas, Ernest Hemingway, Charlie Chaplin, Scott Fitzgerald, le duc de Windsor…
La piscine couverte chauffée de 18 mètres sur 9 mètres s’est refait une beauté avec 800 000 mosaïques flambant neuves. Exclusivité mondiale, Chanel inaugure son spa d’exception de 8 cabines lovées dans des alcôves, avec des soins maison. David Mallett lance son salon de coiffure. La galerie, baignée de lumière en écho à l’esprit des passages couverts, accueille 95 vitrines et boutiques consacrées à la haute couture, la joaillerie, l’horlogerie, le design, parmi lesquelles Tasaki, Alexandre Reza, Graff, et un concept store signé Ritz. L’école de cuisine Escoffier s’agrandit. Au Bar Hemingway, Colin Field, couronné meilleur barman du monde, va continuer à servir ses fameux cocktails aux intitulés poétiques : Serendipity, French 75, Fleurissimo… La brasserie chic du Bar Vendôme, le bistrot canaille du Ritz Bar et l’afternoon tea du salon Marcel-Proust vont bourdonner telles des ruches.
La gastronomie, elle, va largement être mise sur le devant de l’assiette avec Nicolas Sale, qui deviendra le dixième chef du Ritz. Le maestro des fourneaux millésime 1972, deux fois deux étoiles Michelin au K2 et au Kilimandjaro à Courchevel, débarque dans la capitale avec l’envie de mettre les petits plats dans les grands sept jours sur sept à L’Espadon. Le midi, les hôtes déjeuneront au Jardin sous une verrière coulissante avec une carte « directe » composée de quatre entrées, trois poissons, trois viandes et quatre desserts changeant toutes les semaines (formules de 95 à 140 euros). Le soir, ils dîneront à La Table dans la salle emblématique de L’Espadon autour d’un concept fondé sur la quintessence des produits du terroir, déclinés en plusieurs services. Ils auront le choix entre la carte (de 120 à 300 euros), le menu découverte (195 euros) et le menu signature (320 euros).
L’amuse-bouche, surnommé l’appât, reprendra l’ingrédient principal de l’entrée, puis il n’y aura plus qu’à se laisser porter entre les inspirations iodées et fermières. Quelques-unes des nouvelles créations de Nicolas Sale ? Foie gras de canard poêlé laqué au citron vert, ravioles de melon au poivre Timut, huile de turron ; langoustine à cru, caviar béluga, crème poivrée, citron frais ; cabillaud nacré aux algues, « pommes de mer » fondantes au citron comme une brandade ; selle d’agneau farcie aux piquillos, aubergine en pannequet d’épaule confite, broccio, jus épicé. Pour les douceurs, le chef pâtissier François Perret, ancien maître artificier des desserts au Shangri-La, à Paris, proposera d’épatantes variations autour de la fraise, des fruits exotiques, de la rhubarbe et du chocolat. Nos papilles frissonnent en pensant aux accords mets et vins imaginés par Estelle Touzet. L’ex-sommelière du Meurice, à Paris, « excitée à l’idée d’entendre le bruit du premier bouchon de champagne », veillera sur une fabuleuse collection de 50 000 bouteilles. Un livre de cave regorgeant de pépites, à l’image d’une grande fine cognac 1834, d’un château-margaux 1904, d’un richebourg 1906, d’un yquem 1970…
Et les étoiles dans tout ça ? « L’important, ce seront celles que l’on verra briller dans les yeux de nos convives « , glisse Nicolas Sale. Les astres n’ont pas fini de scintiller sur la place Vendôme…