Brexit: devenir un leader du libre-échange, un vrai casse-tête pour le Royaume-Uni
Londres – La volonté affichée par le Royaume-Uni de devenir un leader du libre-échange relève du voeu pieux puisque le pays a les mains liées tant qu’il n’est pas sorti de l’UE, sans compter sa faible expérience en matière de négociation commerciale.
Lors du récent sommet du G20 en Chine, la Première ministre britannique Theresa May a fait miroiter une série d’accords, une fois la sortie de l’Union européenne actée, avec l’Australie, l’Inde, le Mexique, Singapour ou la Corée du Sud, ce qui laissaient perplexes les spécialistes du commerce international.
Pour le pays, il s’agit d’un enjeu majeur afin de ne pas perdre son rang historique de puissance commerciale, ni l’activité économique et les emplois qui vont avec: le commerce international au départ et à destination du Royaume-Uni porte chaque année sur l’équivalent de centaines de milliards d’euros, dont la moitié avec l’UE.
« Actuellement, du point de vue légal, le Royaume-Uni fait partie de l’Union européenne et par conséquent n’est pas capable de conclure d’accord de libre-échange« , prévient Hosuk Lee-Makiyama, économiste et directeur de l’Ecipe (European Centre for International Political Economy).
Bruxelles et l’Allemagne ont d’ailleurs tempéré les ardeurs britanniques, rappelant que les négociations commerciales sont du seul ressort de la Commission européenne, laquelle a le mandat pour mener des discussions au nom de tous les États membres.
Le président américain Barack Obama a, quant à lui, repoussé un accord avec Londres à la fin des discussions entre Washington et Bruxelles sur le traité transatlantique de libre-échange (TTIP), alors que l’Australie a prévenu que toute négociation devrait attendre l’issue du Brexit.
« Dans un monde post-Brexit, nous voyons de nombreuses occasions de développer une relation encore plus proche« , a estimé vendredi la ministre australienne des Affaires étrangères Julie Bishop lors d’une conférence de presse commune à Londres avec son homologue Boris Johnson. Ce dernier a estimé « être capable au moins d’esquisser » un accord, remerciant l’Australie de partager son expérience dans le domaine des négociations commerciales.
« Nous sommes à un moment où les juristes comptent peu et où il n’est question que de politique« , relève M. Lee-Makiyama.
Le Royaume-Uni en est réduit à un savant exercice de communication, où il se présente à l’avant-garde du libre-échange international tout en étant dans l’incapacité de dissiper le flou sur sa stratégie pour y parvenir.
Rien n’empêche certes le pays « d’entreprendre des discussions informelles pour préparer le terrain à de tels accords une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE« , explique à l’AFP Tim Oliver, économiste au sein de la London School of Economics.
– « Pas d’amis dans le commerce » –
Mais il est difficile d’envisager des négociations concrètes sur le commerce tant que l’incertitude perdure concernant les futurs liens entre le Royaume-Uni et l’UE, surtout que Londres n’a pas encore lancé les négociations sur le Brexit qui risquent de durer au moins deux ans.
Les discussions avec l’UE sur les conditions du Brexit « vont déterminer quel type d’accord commercial le Royaume-Uni peut avoir« , selon qu’il reste ou non dans l’union douanière ou le marché unique par exemple, souligne M. Lee-Makiyama.
Les négociations de libre-échange prenant en général plusieurs années, l’ancien responsable du commerce international britannique Andrew Cahn jugeait jeudi dans le quotidien The Times « hautement irréaliste » le fait que le gouvernement puisse avoir plusieurs accords prêts à signer.
« Il n’y a pas d’amis ou de relations spéciales dans le commerce international. Certains pays sauront que le Royaume-Uni est prêt à conclure des accords et est vulnérable parce qu’il a peu d’expérience pour les négocier« , renchérit M. Oliver.
Certains pointent en effet le fait que Londres n’a pas les équipes suffisantes pour mener ces discussions ardues et techniques… ayant abandonné cette prérogative à Bruxelles depuis son adhésion à l’UE en 1973.
Une chose est sûre, selon, M. Oliver, « il va falloir apprendre vite« , d’autant que « la priorité est l’accord avec l’UE, tous les autres sont secondaires pour l’instant« .
Le Japon a ainsi prévenu que ses entreprises pourraient fuir le pays en cas de bouleversements drastiques, appelant au maintien du système de libre-échange, de droits de douane et de libre circulation des travailleurs entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe.