« Football Leaks »: hacker, espion, qui est John, l’homme à l’origine du scandale?
Le lanceur d’alerte qui a fourni les documents à l’origine de l’énorme scandale d’évasion fiscale touchant le monde du football est un personnage mystérieux. Seul un journaliste du Spiegel a pu le rencontrer. Il livre quelques détails sur son identité.
Inutile de chercher sa photo ou un document révélant son identité. « John », comme il se fait appeler, est un homme très secret. Insaisissable pour des raisons de sécurité, ce lanceur d’alerte est à l’origine des révélations des « Football Leaks », ce scandale d’évasion fiscale sans précédent, touchant le monde du football. Dix médias, dont Mediapart, diffusent depuis vendredi soir une série de documents accablants pour de nombreuses stars, dont le triple Ballon d’Or, Cristiano Ronaldo.
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La fuite est monumentale: 1900 gigaoctets de données informatiques, 18,6 millions de documents confidentiels regroupant des contrats, des factures, ou des e-mails. Tous ont été remis dans un premier temps à un journaliste de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel par l’intermédiaire d’une seule source, « John », qui est le fondateur du site Football Leaks. Jusque-là, ce site avait dévoilé quelques documents confidentiels, avec un message clair: « Malheureusement, ce sport que nous aimons tant est pourri. Les fonds, les commissions, le racket, tous servent à enrichir certains parasites qui attaquent le football et sucent totalement les clubs et les joueurs. »
Un jeune Portugais qui parle cinq langues
Il a donc décidé de passer à la vitesse supérieure en fournissant 8 disques durs à un journaliste du Spiegel, Rafael Buschmann. Il est le seul à avoir rencontré John, à plusieurs reprises. Selon Buschmann, cité par le quotidien belge, Le SoiretMediapart, John est « un jeune Portugais qui parle cinq langues et en apprend deux autres, dont le russe. Il porte des jeans et des tee-shirts hiver comme été. C’est un bon vivant au rire communicatif, qui aime la fête et la bière. »
Il aurait aussi « les ongles rongés jusqu’au sang », signe du stress auquel il est soumis depuis un an. Car le lanceur d’alerte est accusé de piratage informatique par la justice portugaise, saisie par Doyen Sports, cabinet d’investisseurs nébuleux, qui travaille avec Jorge Mendes, l’agent de Ronaldo, Mourinho ou Falcao entre autres. Selon Mediapart, Doyen Sports aurait aussi lancé quatre équipes de détectives privés à ses trousses, dont des hackers russes et un ancien soldat d’élite britannique.
Des documents acquis illégalement?
Début 2016, « John » se cachait quelque part en Europe de l’Est. Mais il aurait trouvé refuge en Allemagne pour assouvir sa passion du foot et chanter dans les stades. Le « Robin des Bois » du foot ne travaillerait pas seul et il n’est pas enclin à révéler la façon dont il s’est procuré sa mine d’informations. Selon l’EIC, le groupe de 10 médias d’investigation, rien n’indique que John a récupéré ces documents légalement. Bien au contraire. Quoi qu’il en soit, au nom du droit à l’information, il était important de les publier, juge l’EIC.
Mediapartindique que John a pu travailler avec un certain Artem Lobuzov, qui aurait pratiqué une forme de chantage auprès de Doyen Sports. En clair, si le cabinet payait « une généreuse donation » de 500.000 à 1 million d’euros », les documents auraient été détruits. Mais le patron de Doyen Sports qui a découvert que son entreprise a été piratée, a porté plainte. D’où la révélation du scandale actuel.
« Nous ne sommes pas des hackers »
Rafael Buschmann a néanmoins confronté John au nom d’Artem Labuzov. Le lanceur d’alerte a éludé le sujet, assurant qu’il n’avait jamais piraté personne: « Et comme nous l’avons toujours dit, nous ne sommes pas des hackers. Nous avons seulement un bon réseau de sources. Toutes ces allégations ridicules viennent d’une organisation criminelle. Selon nous, Doyen est une mafia. » De son côté, le Fonds d’investissement joue la carte du déni, affirmant que les documents sont « totalement faux, ont été manipulés et créés comme une invention ».