Une nuit au Beaumont Hotel de Londres
Un parking reconverti en hôtel de luxe des années 20, une centrale électrique transformée en charmant jardin suspendu, un hôte haut en couleur inventé de toutes pièces… Ouvert il y a deux ans, le Beaumont est passé maître dans l’illusion de vous plonger dans un monde qui semble avoir toujours existé… alors qu’il vient d’être créé.
Dès l’arrivée aux Brown Hart Gardens, à deux pas de la tumultueuse Oxford Street, on est comme plongé dans une dimension parallèle. Impossible d’imaginer que sous ces bancs et pots de fleurs se cache une station électrique. De belles bâtisses en briques rouges surveillent le calme de cette place cachée, avec son coffee shop bio, sa belle cathédrale ukrainienne, son studio de danse et, bien sûr, le Beaumont, reconnaissable à sa façade sculptée par Antony Gormley, lauréat du Turner Prize, connu pour ses colosses de béton cubiques exposés à travers le monde. Ici, un géant de dix mètres de haut est assis les mains croisées sur les genoux (il faut reculer de quelques pas sur la place pour en apprécier toute la carrure).
Storytelling
C’est le premier hôtel de Jeremy King et de Chris Corbin, associés depuis trente ans dans la restauration (ils possèdent The Wolseley, The Delaunay, la brasserie Zédel…). Fascinés par les années 20 et les hôtels art déco new-yorkais, ils ont voulu créer une identité au bâtiment : un parking qui date de 1926. Pour cela, il leur fallait un personnage, un fantôme chic et glamour pour hanter les lieux. Ils inventèrent donc l’histoire d’un propriétaire imaginaire : Jimmy Beaumont, manager au Carlyle à New York qui échappa à la prohibition en s’installant à Londres, dans les années 30, pour ouvrir ce lieu de refuge aux riches Américains en mal de cocktails savamment shakés.
Il y a d’ailleurs deux bars dans l’hôtel : un caché, réservé aux clients de l’hôtel, parfait pour un tête-à-tête capitonné et discret ; l’autre, au cœur de l’établissement, constamment animé. La réception est volontairement petite et à l’écart, pour parfaire l’esprit « club de membres ». Le service y est particulièrement attentionné : il est même possible que vous soyez reconnu avant de vous être annoncé ! Tout a été pensé pour donner le sentiment que le lieu existe depuis des décennies (sans qu’il soit poussiéreux) : au pied de l’ascenseur, les étages sont indiqués avec une aiguille, la clé de votre chambre a la forme d’une véritable clé (même si elle est magnétique).
Photos d’époque
La chambre, justement, est décorée de meubles de bois précieux et de photos d’époque. Sublime salle de bains marbrée, lit divinement confortable, jeu de cartes, livres et délicieux chocolats près de l’oreiller. Le bureau se transforme en coiffeuse pour se refaire une beauté. On se sent très vite chez soi (enfin, on aimerait que ce soit chez soi).
Le soir, après un passage au spa et sa piscine glacée, on vous conseille de dîner au restaurant de l’hôtel, The Colony, un des lieux les plus branchés de la ville. Avec un peu de chance, vous avalerez votre steak-frites en compagnie des Beckham (ils y ont leurs habitudes, on peut témoigner). Assis sur les banquettes en cuir, on a l’impression que, entre ces murs recouverts de photos, des générations d’acteurs ont dîné de macaronis au fromage ou de cocktails de crevettes. La salle est complète. L’illusion est parfaite.